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Ouverture de Flus, un service d’agrégation de l’actualité

Marien / le 28 novembre 2019

J’ai le plaisir d’annoncer aujourd’hui publiquement l’ouverture de ma plateforme d’agrégation de l’actualité, Flus. En vous y créant un compte, vous pourrez suivre la grande majorité des sites d’actualité, blogs et podcasts existants.

Capture d’écran de la page principale de Flus

Voilà quelques années que j’ai réalisé que l’information n’est pas une donnée objective. Elle est toujours perçue, analysée, comprise, synthétisée puis présentée par une personne ayant un vécu, des émotions et des sensibilités différentes des nôtres. Alors ajoutez à cela une plateforme qui concentre, trie et choisit pour vous quelles informations doivent vous parvenir, et vous voilà bien parti pour vous enfermer dans une bulle de filtres conçue sur-mesure. C’est le fonctionnement notamment de Twitter qui, en personnalisant toujours plus ce que vous voyez, vous enferme dans votre propre vision du monde. Il vous devient ainsi plus compliqué d’adopter le point de vue d’autres personnes. Couplé à une instantanéité d’échanges courts, vous obtenez un cocktail détonnant pour exacerber des tensions artificiellement, et tout cela au profit d’une société privée.

On comprend dès lors l’importance de pouvoir s’informer de manière calme et plus « éclairée », en restant maître·sse de l’information qui nous parvient. Des solutions existent déjà depuis des années, basées sur des technologies reconnues et libres de « syndication » telles que les formats RSS et Atom. Leur principe est simple : plutôt que de passer par un intermédiaire pour récupérer et trier le contenu pour vous, vous accédez à la source même où il est produit.

Le problème de ces technologies est qu’elles sont bien souvent méconnues du public, ou bien délaissées car considérées comme désuètes face aux nouveaux usages instantanés qu’ont imposé des mastodontes tels que Twitter et Facebook. Ce serait confondre technologies et usages : il est possible – et indispensable – d’améliorer et de compléter les outils existants basés sur RSS et Atom afin de revoir notre rapport à l’information et, in fine, notre rapport au monde.

Consacrer son énergie à améliorer un bien commun

Flus ne sera sans doute pas au niveau de Twitter dans l’immédiat, mais cela ne signifie pas que le service est naze, loin de là ! Je ne suis sans doute pas très objectif en disant cela – j’en suis le développeur initial – mais FreshRSS, le logiciel derrière le service, est sans doute l’un des meilleurs agrégateurs d’actualités existants aujourd’hui. Les retours qui sont faits à la communauté depuis des années sont très encourageants. Toutes les fonctionnalités de base que l’on peut espérer d’un tel outil sont là, et certaines existent rarement ailleurs (au hasard, la génération dynamique de flux RSS basée sur une recherche par exemple). En utilisant Flus, vous aurez à disposition un outil véritablement puissant et qui marche bien.

Cela ne m’empêche pas d’avoir conscience que certaines fonctionnalités mériteraient d’être améliorées et c’est l’intérêt de proposer un service payant. Le logiciel libre n’est jamais totalement gratuit : il s’agit de développeurs et développeuses qui offrent de leur temps. Or, le temps est quelque chose de compliqué à trouver pour une large majorité d’entre nous car il faut bien se nourrir également. Mon envie est simple : faire en sorte que le temps que je passe à améliorer FreshRSS (et donc Flus) me permette de me loger et de me nourrir. Ce temps ainsi libéré me permettra donc de travailler sur FreshRSS. J’ai déjà une belle liste d’idées de fonctionnalités à améliorer ou ajouter, dont certaines que l’on ne trouve nul par ailleurs. Bien entendu, cela se fera en accord avec la communauté et je serai très vigilant à toujours travailler main dans la main avec elle.

Ce que je trouve le plus enthousiasmant dans ce modèle, c’est le fait de pouvoir vivre de mes contributions à un bien commun. J’ai toujours été attiré par le libre pour une raison très simple : il s’agit de quelque chose de désintéressé qui nous dépasse toutes et tous. En développant ce type de logiciel, nous contribuons à un bien qui pourra être réutilisé ensuite par n’importe qui.

Proposer une plateforme de confiance et ouverte ? Chiche !

Twitter est un outil fantastique : il est pratique, léché, confortable. Mais tout cocon technologique soit-il, n’êtes-vous pas gêné par cette petite voix qui vous pousse à revenir sans cesse alimenter une gigantesque base de données privée sur laquelle vous n’avez aucun contrôle ? Ne vous y trompez pas, cette petite voix est tout à fait artificielle : elle est conçue, taillée et orientée pour vous inciter à revenir encore et encore.

Flus n’a pas pour objectif de rivaliser avec cet outil d’un point de vue confort d’utilisation. En revanche, je lui prête ma voix. Lorsque vous lisez « je » sur la page d’accueil, ou dans un article de ce carnet, cela se réfère à ma personne, Marien Fressinaud. En utilisant Flus, vous avez une personne en face de vous que vous pouvez interpeler par courriel, ou proposer d’aller manger un bout pour discuter si vous êtes vers Grenoble. Il ne s’agit pas d’un « je » artificiel qui a pour but de cacher la dernière startup à la mode ; c’est pour moi un véritable gage de transparence vis-à-vis de vous. Quelque chose vous gêne sur le service ? discutons-en ! Aussi, jamais cette « voix » ne tentera de vous manipuler pour vous pousser à utiliser le service sauf à être moi-même manipulateur !

Flus possède non seulement ma voix, mais ses rouages sont visibles. En basant le service sur le logiciel libre FreshRSS, vous avez là une condition nécessaire pour vérifier que je ne fais rien dans votre dos. Le logiciel étant communautaire, vous avez également la possibilité d’influer sur la direction qu’il doit prendre : le code est bel et bien au service des utilisateurs et des utilisatrices.

Cela est-il suffisant pour que vous m’accordiez votre confiance ? À partir du moment où vous confiez vos données à un tiers, il me semble qu’il existe toujours un risque pour vous. Qui vous assure que je ne serai pas racheté dans quelques années par une société dans laquelle vous aurez légitimement moins confiance ? C’est pour cela qu’il est important que vous puissiez quitter le service à n’importe quel moment avec vos propres données. C’est une fonctionnalité importante de Flus : il vous est possible d’exporter vos abonnements et vos articles pour les récupérer sur un autre serveur que le mien. Ainsi, vos données vous appartiennent véritablement !

Face aux grandes surfaces « digitales », s’assumer petit producteur du numérique

En ouvrant Flus, je n’ai à aucun moment l’intention de rivaliser avec des géants déjà bien installés, le risque est bien trop grand de se perdre en route. Le chemin que je compte emprunter est tout autre.

Ces dernières années, les GAFAM (acronyme pour Google Amazon Facebook Apple et Microsoft) ont imposé une certaine vision du web : de grosses plateformes confortables et « gratuites », semblant répondre parfaitement aux attentes de leurs usagers. En participant à l’association Framasoft, j’ai toutefois aidé à démontrer les dangers et enjeux que posent ces géants, notamment à travers la campagne « Dégooglisons Internet ». Ce n’est pas le web dont je rêve.

J’ai grandi dans un milieu agricole : mes parents cultivent des vergers de petits fruits rouges ; ma mère vend en direct, sur les marchés, ou dans des magasins de producteurs. Voir ses client·es discuter avec elle a toujours été quelque chose de normal et d’attendu pour moi. J’ai mis du temps avant de constater le gouffre de mentalité que cela implique avec la « norme » des grandes surfaces. Je trouve malheureusement que le parallèle est compliqué à faire avec Internet : seules les grandes enseignes sont visibles et véritablement connues. Je crois néanmoins qu’il est temps de faire (re-)émerger les petits producteurs du numérique face aux grandes surfaces « digitales ».

Il n’est plus question de faire pareil mais en mieux : il faut proposer de réfléchir différemment ; redonner de la place aux petits acteurs indépendants et coopérant ; rappeler qu’il y a des humain·es derrière chacun des outils que nous utilisons ; replacer la confiance et les échanges au centre de nos vies numériques. Il s’agit là de la vision à laquelle j’ai envie de participer.

Avec Flus, je propose cela : une plateforme d’agrégation de l’actualité, transparente et de confiance qui assume sa part d’humanité tout en proposant un service « utile ». J’espère que les promesses faites dans cet article, ainsi que les fonctionnalités de Flus, saurons vous convaincre de soutenir financièrement la plateforme. L’enjeu principal pour moi tout au long de l’année à venir va être de prouver que mon modèle est viable, voire qu’il s’agit de l’un des chemins les plus agréables à emprunter pour celles et ceux qui voudraient vivre de logiciel libre.

Je vous donne rendez-vous sur flus.io pour la suite de l’aventure !

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